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L’air comprimé : une source de décarbonation à optimiser
L’air comprimé est aujourd’hui indissociable des industries, quels que soient leur taille et leur secteur d’activités. Cette utilité1, connue pour ses nombreux avantages opérationnels, est aussi un levier d’économies pour les industriels qui cherchent à optimiser leurs processus et les dépenses associées. Nicolas Peignet, directeur développement industrie du Territoire Nord-Est ENGIE Solutions, analyse les moyens et enjeux pour une meilleure production et distribution de l’air comprimé afin de rationaliser les coûts et ainsi participer à la décarbonation des sites.
L'air comprimé : une utilité industrielle

Par Nicolas Peignet, directeur développement industrie du Territoire Nord-Est ENGIE Solutions
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Un pilier du process industriel à revaloriser
Les sites industriels dépendent fortement des utilités pour alimenter leurs équipements et processus de production. La fiabilité et la disponibilité de ces services sont essentielles pour éviter les interruptions de production coûteuses. L’air comprimé, en tant qu’énergie et vecteur de puissance, est une solution adoptée par la plupart des industries comme moyen de séchage, de refroidissement, de nettoyage, d’éjection de déchets, de transport ou même de levage. Il y est donc omniprésent : 70 % des industriels auraient recours à cette utilité selon l’ADEME. Simple à produire, flexible dans son utilisation et pratique à stocker, certains équipements sont même désormais conçus dès l’origine pour fonctionner uniquement avec cette énergie.
Si le coût réel de la consommation d’air comprimé est souvent dilué dans les charges globales de l’industriel, ce poste de dépense n’est pourtant pas anodin. Peu mis en avant, l’air comprimé peut pourtant représenter jusqu’à 30 % des consommations d’électricité d’un site2. Cette utilité n’est donc pas négligeable tant pour son rôle clé dans le process de fabrication que pour son poids dans la facture énergétique finale. Or les experts savent aujourd’hui comment la valoriser au maximum pour en libérer tout le potentiel.
Mieux produire, moins gaspiller, bien décarboner
Outre les avantages énergétiques listés précédemment, il faut souligner l’avantage économique de l’air comprimé. La baisse des consommations peut se concrétiser par une gestion pointue des infrastructures et des coûts pour optimiser la rentabilité des opérations industrielles tout en contribuant à la décarbonation. Pour ce faire, on peut identifier trois vecteurs d’optimisation de l’exploitation de l’air comprimé par les industriels.
- Remplacer les installations pour booster leur rendement
Il est primordial de remplacer les centrales d’air comprimé qui peuvent être vieillissantes. Cette modernisation est synonyme d’une meilleure consommation. Cela représente certes un nouvel investissement, qui sera toutefois amorti grâce à la baisse des consommations et, par conséquent, des économies générées. L’évolution technologique de ces centrales nouvelle génération assureront une plus grande stabilité de distribution et une production d’un air de meilleure qualité, le tout pour un rendement largement supérieur.
- Récupérer la chaleur fatale : un intérêt économique.
L’intégration de systèmes de récupération des calories émises par les compresseurs des centrales d’air comprimé permet de bénéficier d’une chaleur gratuite qui pourra être réinjectée pour répondre soit à des besoins du process industriel, soit à ceux de chauffage et d’eau chaude sanitaire du site. 70 % de l’énergie consommée par les compresseurs peut généralement être récupérée sous forme d’air chaud. Pourquoi donc se priver de cette énergie qui sera créée dans tous les cas ? Autre gain souvent ignoré car invisible : le réseau de distribution d’air comprimé est souvent l’objet de fuites. Dans l’industrie en Europe, le taux d’énergie qui serait gaspillé par des fuites est estimé entre 20 et 30 % de l’énergie consommée par les compresseurs. En conséquence, il est nécessaire de le rénover ou a minima d’en contrôler régulièrement l’étanchéité par des méthodes de vérification, automatique ou non. L’ADEME recommandait en 2022 la recherche régulière des fuites et, le cas échéant, leur colmatage3. L’air comprimé le moins cher, est celui qui n’est pas à produire !
- Décarboner durablement et s’engager sur la performance.
Pour assurer des résultats ambitieux, un engagement sur la durée est nécessaire. Le contrat de production d’utilités offre aux industriels une solution clé en main avec un prix fixe de l’utilité sur la durée du contrat. Ce prix comprend alors :
- Le financement et l’installation des nouveaux équipements
- L’exploitation, maintenance des installations
- Une garantie de performance intégrant la qualité et la disponibilité de l’air comprimé
Cela permet d’atteindre un rendement fixe optimisé sur la durée et, par conséquent, une meilleure maîtrise des charges qui passe par une réduction des consommations électriques.
Outre la sobriété obtenue grâce aux économies d’énergie, ces engagements peuvent aussi être plus sophistiqués afin de contribuer plus globalement au verdissement du mix énergétique du site pour en accentuer la décarbonation. L’approvisionnement électrique pourra notamment être proposé, soit via l’installation de panneaux photovoltaïques en autoconsommation soit par l’utilisation d’électron vert.
Prenons l’exemple d’un industriel de la construction dont la production d’air comprimé s’élève à 56 000 km3 à l’année. Il a été possible de générer une économie financière de 275 k€ par an, matérialisée par une baisse de consommation électrique annuelle de 33 % (soit 3,5 GWh/an), et d’éviter ainsi le rejet de 198 tonnes d’équivalent CO2.
Synergies économiques, industrielles et territoriales : l’air comprimé maximisé
L’industriel peut bénéficier d’aides au financement de ces actions. L’air comprimé est notamment éligible aux certificats d’économies d’énergie (CEE). Ce mécanisme incitatif permet de financer tout ou partie des travaux d’efficacité énergétique tels que l’utilisation d’équipements plus performants ou la mise en œuvre de la récupération de chaleur fatale.
Pour illustration, grâce à un engagement de rénovation et de fourniture d’air comprimé d’une durée de 10 ans, le papetier savoyard La Rochette Cartonboard a diminué ses consommations de 9 % et récupère désormais la chaleur fatale du compresseur. Le projet a bénéficié du soutien financier du dispositif CEE, avec pour résultats plus de 16 GWh cumac de CEE1 valorisés et l’économie de 63,5 millions de Nm3 d’air comprimé par an.
Pour aller un cran plus loin, la chaleur fatale peut aussi être une source de revenus en étant redistribuée aux collectivités ou bâtiments à proximité. Ce cercle vertueux entre l’industrie et les territoires entraîne localement une accélération simultanée de la décarbonation. Cette notion d’écologie industrielle territoriale est un pilier de l’économie circulaire déjà identifié dans la loi relative à la transition énergétique du 17 août 2015.
Dernière piste peu usitée, la mutualisation des installations, permise par le regroupement des usines dans des zones industrielles. Elle permettrait de multiplier les économies avec des infrastructures partagées de production et de distribution d’air comprimé. Ce regroupement des besoins peut permettre d’obtenir une meilleure performance énergétique de l’installation, car plus l’installation est conséquente plus elle est performante. En partageant également les moyens humains et les coûts de maintenance, l’industriel réduit ainsi considérablement ses charges.
[1] Les utilités industrielles désignent les services d’énergie comme l'électricité, l'eau, la vapeur, gaz, l'air ou encore le froid, indispensables au process de production et donc cruciales pour la performance industrielle.
[2] Guide pratique des Chambres de commerce et de l’industrie Alsace Eurométropole et Grand Est dans le cadre du programme régional Climaxion en collaboration avec l’ADEME, www.alsace-eurometropole.cci.fr.
[3] « Comment les entreprises peuvent se mobiliser pour la sobriété et l’efficacité énergétique ? », communiqué du 1er septembre 2022, www.ademe.fr.